Je m’interroge depuis longtemps sur notre relation aux animaux.
Comme de nombreux enfants, j’ai formé un jour le rêve de devenir vétérinaire. A l’âge de 9 ou 10 ans, j’étais fasciné par les exploits du Commandant Cousteau dont je suivais l’épopée à travers livres et petit écran. Au même âge, je réclamais un chien à mes parents ; je finis par obtenir l’encyclopédie Larousse du Chien… et la compagnie d’un cochon d’Inde. Depuis, je me suis frotté à chien et chats, ces derniers ayant réussi l’exploit de m’attacher à leur présence.
J’ai longtemps mangé des animaux jusqu’à la lecture en 2009 d’un essai signé Jonathan Safran Foer « Faut-il manger les animaux ? ».
Peu à peu, la viande animale a disparu de mon alimentation sans que je me réclame pourtant d’aucune obédience végétarienne ou vegan. Il peut m’arriver, lors d’occasions ou situations exceptionnelles, d’en manger encore ; aujourd’hui avec la conscience claire de mon geste et une profonde gratitude pour cette vie offerte à nourrir la mienne.
Lors d’un récent séjour en Tunisie, j’ai assisté au défilé quotidien de touristes à dos de dromadaire ou de cheval, arpentant la plage du matin au soir. Des camélidés et équidés harnachés d’accoutrements souvent exotiques : ici un sombrero mexicain, là un licol de couleur vive, une crinière tressée de raphia, de bouts de laine et de grappes de grelots.
Durant ce même séjour, j’ai été confronté à notre anthropocentrisme en essayant de défendre la liberté de quelques poules enfermées dans un poulailler en tôle de quelques mètres carrés sous un soleil du diable et une température avoisinant les 50°. Je m’entendis répondre : « Oh écoute, ce ne sont que des poules… »
A cet instant, j’ai pleinement réalisé que pour certains d’entre nous humains, les animaux occupent le rang de chose ou d’objet dont nous pouvons décider du sort à l’envi, selon notre bon désir.
A l’heure où nous venons tout juste de les reconnaître comme individus intelligents doués de sensibilité, je me suis demandé :
« Quel pacte avons-nous conclu avec ces autres espèces ? »
« Quelle est la nature profonde du lien qui nous relie à elles ? »
« Leur avons-nous demandé l’autorisation de nous approprier et d’exploiter leur force ? »
La pandémie actuelle, dont l’origine serait de source animale, a réactivé en moi cette réflexion.
C’est donc avec beaucoup d’intérêt que je me suis plongé dans la lecture de cette tribune du Monde (accessible uniquement aux abonnés) signée par un collectif de scientifiques et d’experts : « Arrêter de maltraiter les animaux et les écosystèmes est aussi un impératif de santé humaine ».
J’ai aimé y lire ces morceaux choisis que je vous partage :
- « En réalité, par un effet de dilution, la propagation du virus est freinée par la diversité des espèces, mais surtout par la diversité génétique interne à chacune. »
- « Ce sont donc bien les traitements que les humains infligent aux animaux sauvages et domestiques et à l’environnement qui les exposent aux virus. »
- « Prendre soin de la nature et de la biodiversité, éviter de maltraiter les animaux sont aussi des impératifs de santé humaine. »
- « La crise liée au Covid-19, profonde et planétaire, est un rappel à Homo sapiens qu’il n’est pas invincible et qu’il ne peut s’extraire du vivant grâce à ses technologies. »
- « Il est également indispensable de repenser plus globalement nos relations au vivant, y compris en dehors des zones protégées. Restaurer des écosystèmes dans lesquels les humains ont un rôle à jouer comme toute espèce vivante pour construire des alliances avec les non-humains, une écologie relationnelle, comme le disent le géoanthropologue Damien Deville et le juriste et doctorant en anthropologie Pierre Spielewoy, en acceptant les différences culturelles plutôt qu’en imposant une utopique uniformité, semble une nécessité. »
Comme j’ai aimé ces mots de conclusion :
« Pour préparer ce jour « d’après », inspirons-nous du vivant : il est là depuis près de quatre milliards d’années, évoluant sur le long terme, malgré des crises gigantesques. Aujourd’hui, la diversité du vivant nous émerveille, nous nourrit, nous guérit et, en même temps, à court terme nous la détruisons avec la pollution, l’usage intensif des terres, l’urbanisation, la fragmentation des milieux, le réchauffement climatique, l’exploitation des espèces. Puisse un virus, composé de seulement 15 gènes, provoquer l’électrochoc dont nous avons besoin… »